Présentation du projet Picture from Auschwitz à l’ambassade de Pologne
Mardi 20 mai, l’ambassade de Pologne à Bruxelles accueillait les auteurs d’un projet innovant de reconstitution numérique d’Auschwitz.
Présenté aussi au Festival de Cannes, le projet « Picture from Auschwitz » de la Auschwitz-Birkenau Foundation, en collaboration avec le Mémorial et Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, crée une réplique numérique d’Auschwitz destinée aux productions cinématographiques et audiovisuelles. Depuis longtemps, à Auschwitz, les tournages in situ sont réservés aux documentaires. En 1963, les réalisateurs polonais de La passagère filment à Auschwitz, mais Spielberg se voit refuser l’autorisation d’y tourner La Liste de Schindler. ll filme une scène à l’extérieur du célèbre portail d’entrée et construit des répliques des baraquements près du site La vie est belle est tourné dans une usine désaffectée en Italie. Le fils de Saul est filmé à Budapest. La zone d’intérêt, tourné près d’Auschwitz, ne montre pas le camp… Filmer dans Auschwitz impose des limites à la fois éthiques et pratiques. Dépassant les deux millions de visiteurs annuels, le site ne peut pas être transformé en décor de tournage de film. Les reconstitutions du camp au cinéma, souffrent souvent d’approximations, ou d’erreurs.
Picture from Auschwitz fournira aux cinéastes une base de travail d’une fidélité historique rigoureuse, tout en protégeant le site réel. Le projet repose sur l’utilisation des dernières technologies de modélisation 3D. L’ensemble d’Auschwitz I a été scanné et photographié avec une précision inouïe. Le rendu final permet une immersion complète dans un environnement virtuel qui reproduit fidèlement la réalité. C’est une empreinte numérique du camp, dans son état actuel. Une deuxième phase du projet, numérisera en 3D le site de Birkenau (Auschwitz II), beaucoup plus vaste et dont certaines zones, en particulier les crématoires, détruits par les nazis, n’ont pas été préservées. Leur modélisation reposera sur une reconstruction historique virtuelle à partir des archives : plans originaux, photographies aériennes alliés de 1944, témoignages de survivants... Le modèle 3D final sera compatible avec les outils standards de l’industrie du cinéma, permettant d’intégrer les décors virtuels dans des scènes filmées, tout en gardant la cohérence historique du site réel. Le projet combine scanner laser 3D, photogrammétrie haute résolution et modélisation informatique, créant une réplique numérique la plus fidèle possible du camp. La première étape a consisté à scanner l’ensemble d’Auschwitz I à l’aide de technologies LiDAR. Les données produites sont ensuite alignées et fusionnées pour générer un modèle numérique global, qui reproduit la géométrie des bâtiments, sols, etc. , mais sans couleur ni texture. La photogrammétrie consiste à prendre des milliers de photos haute définition du site sous différents angles, pour produire une représentation visuelle réaliste de l’apparence du camp (briques, bois, etc.). On procède ensuite à la modélisation 3D proprement dite, transformant les données brutes en un modèle exploitable dans un moteur graphique et qui peut être intégré dans des scènes de film ou utilisé pour la création de maquettes interactives. À ce jour, le projet a permis de recueillir 18 000 photographies de 60 mégapixels, 1 300 stations de balayage 3D lidar, 4,6 terrabytes de données sources, 40 terrabytes de données traitées et cinq heures de vidéo à 360 degrés.
Vétéran du projet et survivant de la Shoah en Pologne, Ryszard Horowitz, photographe juif new-yorkais, sauvé par Schindler et associé au tournage du film de Spielberg, insiste sur l’importance de la transmission de la mémoire, surtout aujourd’hui, alors que les derniers témoins directs disparaissent !
Comme l’explique Wojciech Soczewica, directeur général de la Auschwitz-Birkenau Foundation : De plus en plus de gens viennent visiter Auschwitz et il est de notre responsabilité de fournir à l’industrie cinématographique des ressources crédibles. L’un des aspects les plus sensibles du projet est sa portée mémorielle. Des règles strictes d’utilisation sont mises en place. Chaque production audiovisuelle souhaitant utiliser ces données devra s’engager à respecter la vérité historique et la dignité des victimes. Le but n’est pas de banaliser le site ni de permettre son exploitation dans des fictions sensationnalistes. Notre projet veut soutenir les œuvres éducatives, historiques ou mémorielles, en leur fournissant un outil qui renforce leur authenticité et leur impact. Des millions de photos sont prises par les visiteurs du camp et aujourd’hui, avec la démocratisation des outils d’intelligence artificielle, n’importe qui pourrait créer sa version numérique d’Auschwitz. Picture from Auschwitz crée une nouvelle pratique d’authentification entre le physique et le numérique. Le Mémorial est le seul détenteur de sa propriété intellectuelle et donc de la clé qui garantit l’authenticité de cette reproduciton numérique pour les générations passées et à venir. Notre projet constitue la pierre angulaire d’une nouvelle norme mondiale de référence sur la propriété intellectuelle numérique de sites historiques. Nous appelons le projet « Image d’Auschwitz », non pas au pluriel, mais au singulier. En effet, à partir de l’ensemble de données numériques crées par le projet, il sera possible de générer dans à l’avenir toutes les images du site, des images authentifiées et certifiées par le Mémorial.
Kristen Davis, responsable stratégique du projet, ajoute : Ce projet crée un lien entre le passé physique et le présent, car il s’agit d’une capture précise et authentique de la vue actuelle du site : ce qui a été capturé ici continuera à enrichir les récits des générations à venir en utilisant plus tard de nouvelles technologies. Ce projet est une pierre angulaire pour définir comment les sites patrimoniaux et historiques seront protégés et représentés avec les nouvelles technologies numériques et les nouveaux médias. Pour l’instant, nous parlons de films, ou peut-être de jeux éducatifs… mais quel que soit le support utilisé à l’avenir, la chaîne d’authenticité est déjà en place.
Maciej Żemojcin, expert en production virtuelle et en films sur l’IA, résume les aspects techniques du projet : Nous avons capturé à Auschwitz I quelque 18 000 photos de très haute résolution et 1300 scans laser. La base technique du projet se constitue de plusieurs strates. La première est un balayage laser, comme l’effectue un géomètre sur un chantier de construction. C’est en quelque sorte un échafaudage pour la deuxième couche, visuellement réaliste, produite grâce aux 18 000 photos du camp. S’ajoute une troisième strate dite expérimentale, avec une technologie qui utilise l’IA pour imaginer d’autres angles de caméra que ceux des prises de vues originales. Cette énorme source de données numériques, certifiée et gérée par le Mémorial d’Auschwitz-Birkenau, pourra être traitée dans le futur avec de nouvelles technologies. Elle restera la source de toutes les images d’Auschwitz !
Projet de documentation patrimoniale, de reconstitution historique et de création numérique, Picture from Auschwitz constitue un outil inédit pour représenter un lieu dont la mémoire doit être protégée, sans jamais être banalisée ou manipulée. Combinant rigueur historique et puissance narrative, au service d’un devoir de transmission plus crucial que jamais, il s’inscrit dans un contexte plus large où les technologies immersives, comme la réalité virtuelle, les modélisations 3D ou les visites interactives, prennent une place croissante dans la valorisation du patrimoine et de la mémoire historiques.
Roland Baumann
Pour en savoir plus
Auschwitz- Birkenau Foundation http://www.foundation.
https://en.wikipedia.org/wiki/
https://fr.wikipedia.org/wiki/
https://fr.wikipedia.org/wiki/
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