Judaïcausette© avec Michèle Calmeyn

Née à Bruxelles, en 1943, dans une famille catholique, Michèle Calmeyn a fait des études de gréco-latine puis d’institutrice à Berkendael. Elle a enseigné 2 ans à Saint-Gilles avant de rejoindre l’école Ganénou en 1967 et de poursuivre avec l’aventure de Beth-Aviv jusqu’en 1998. Elle est maman de deux filles. Michèle est aujourd’hui bénévole dans deux refuges pour animaux… Et reste dans le cœur de centaines d’enfants qui ont eu le bonheur de commencer leur scolarité dans sa classe.

DEFINITION : Quelle serait votre définition de la culture juive ?

Pour moi, la culture juive représente un chaleureux mélange de traditions, de mémoire, d’espoir, de diversité et de créativité. C’est une culture qui révèle toujours, même lors des moments de tristesse extrême, une étincelle de vie.

RESSENTI : Comment définiriez-vous votre culture juive ? Comment la vivez-vous ?

J’avais lu des livres à l’adolescence et j’habitais avenue Jean Volders, en face du boucher casher, Lanxner. Alors ce monde ne m’était pas tout à fait inconnu. Mais, j’ai appris à connaître et à aimer la culture juive lorsque j’ai été engagée par Ouzia Chaït à Ganénou. J’ai aimé les shabbat, les fêtes, leurs célébrations, leurs symboles : ces moments avaient quelque chose de magique.

J’ai pu comparer cette culture avec d’autres traditions dont la mienne. Enfin, j’ai apprécié, dans ce cadre, le mélange des personnes de bonne volonté et un esprit ouvert qui me sont tous deux nécessaires. La solidarité que j’ai découverte dans la communauté juive m’a aussi fort touchée. Enfin, entant qu’amatrice de gâteaux juifs, je me suis inscrite dans un groupe de cuisine juive sur Facebook ! J’ai même pu répondre au questionnaire d’entrée qui prouvait que je n’étais pas tout à fait ignorante !

MUSIQUE : Quels sont vos musiciens « de prédilection » ?

J’aime toutes les musiques mais commençons par la musique classique. J’adore le violoncelle et le violon. Et je trouve que la sonorité du violon s’accorde particulièrement bien avec la sensibilité juive où le bonheur semble toujours entaché d’un fond de tristesse. La musique de La liste de Schindler jouée par Itshak Perlman est très prenante et appelle toujours mes larmes. J’ai aussi eu le privilège de voir et d’écouter l’immense David OÏSTRAKH lors d’une soirée de collecte au Palais des Beaux-arts au profit de l’école. Son interprétation dans le concert de Tchaïkovski pour violon et orchestre était merveilleuse J’ai aussi découvert la musique klezmer et la clarinette. Ces rythmes me transportent et me donnent envie de danser. Il y a aussi ce petit fond de tristesse estompé par la gaieté : l’énergie et la joie de vie priment ! En musiques plus contemporaines, je citerais Serge GAINSBOURG, Georges MOUSTAKI, Patrick BRUEL et son dernier disque que je trouve plus profond. Mais la palme d’or revient à Jean-Jacques GOLDMAN pour ses musiques formidables, ses paroles intelligentes et pour sa personnalité, son humanité. Enfin, la voix de Leonard COHEN, qui a composé des chansons de toute beauté, m’emporte.

LITTERATURE : Quels auteurs, ouvrages, vous ont-ils touché ?

La première fois que j’ai lu quelque chose relatif au peuple juif, c’était le livre Exodus de Léon URIS. J’étais adolescente et ce fut un choc. Je savais que la Shoah avait existé – on nous avait projeté Nuit et Brouillard d’Alain RESNAIS à l’école -, mais je ne pouvais m’imaginer que le peuple juif avait enduré, dans la foulée, d’autres souffrances. Cela m’a beaucoup fait réfléchir. Plus tard, j’ai lu Au nom de tous les miens de Martin GRAY, et ce fut une nouvelle claque : ayant traversé tous les malheurs des Juifs de son époque, il a, de surcroît, perdu sa femme et ses enfants, dans un incendie. Dans les classiques, j’aime Stefan ZWEIG pour sa finesse, son humour et son approche innocente qui donne à réfléchir. J’apprécie Marek HALTER et, en tant que passionnée d’histoire que je consomme sous toutes ses formes, Je dois déjà avoir une dizaine de livres Secrets d’Histoire de Stéphane BERN, achetés ou offerts par mes filles et je ne manque aucune émission à la télévision !

Martin Gray

Je suis en général marquée par les événements graves. Bien sûr et hélas beaucoup de peuples ont souffert – je pense aux Arméniens – mais le peuple juif a été persécuté tout au long de son histoire, il en a vu de toutes les couleurs et malheureusement plus de sombres que de gaies.

ARTS PLASTIQUES : Un.e peintre, sculpteur.trice, artiste, œuvre…

J’adore Marc CHAGALL, ses couleurs, sa fantaisie et ce petit grain de folie qui frôle la magie !

Mais il y a aussi des lieux de mémoire qui m’ont fort marquée, tel le Monument commémoratif de la rafle du Vel d’Hiv à Paris où on peut voir une sculpture impressionnante du sculpteur Walter SPITZER. La détresse, des enfants aux vieillards, est saisissante.

Je pense aussi au Mémorial de la Shoah à Berlin de Peter Eisenman – ma fille y habite. Il s’agit d’une immense place oblique remplie de blocs de béton rectangulaires de tailles différentes qui représentent des tombes. La puissance qui se dégage de cette sobriété crée un malaise : trois pas sur cette place suffisent pour tout comprendre.

Le musée juif de Berlin contient des installations tout aussi éloquentes : une pièce faite de hauts murs et d’une échelle inaccessible, placée en hauteur ; il y a aussi un passage jonché de pièces en métal, qui représentent toutes des têtes. On peut marcher dessus, le bruit froid et sec du métal claque sous les pas. Quels que soient mes voyages, je visite toujours tout ce qui est en rapport à la culture juive : les musées, les synagogues et notamment les cimetières juifs, surtout quand ils sont anciens. À Berlin, certains semblent même abandonnés, la nature y reprend ses droits. C’est une atmosphère. J’ai curieusement plus d’émotion dans les lieux juifs que dans les chrétiens qui font partie de ma culture familiale.

7EME ART : Quels films, réalisateurs.trices, documentaires, vous reviennent-il en mémoire ?

Alors le cinéma, c’est vraiment un domaine où les juifs ont fait des merveilles dans tout : en tant que producteurs, réalisateurs et acteurs. Il me semble que Hollywood ait été fondé par des Juifs ! Par ailleurs, j’aime Woody ALLEN, son humour, un brin de suspense, une bonne dose de dérision, même si ses films sont inégaux. J’adore Steven SPIELBERG qui m’a donc bouleversée avec La liste de Schindler : un chef d’œuvre ! Je retiens aussi La vie est belle de Roberto BENIGNI et Le pianiste de Roman POLANSKI. Toutes ces histoires se terminent sur une note d’espoir.

“La vie est belle” Roberto Benigni

PENSEE JUIVE : Etes-vous proche de la/d’une pensée juive /d’un.e philosophe ?

Je suis athée et je me sens très proche de la pensée juive, certes avec des différences mais j’y trouve, pour l’essentiel, des mêmes valeurs : d’humanité, de solidarité, de tolérance, de droiture et un amour pour nos proches.

SOUVENIR : Pourriez-vous nous confier un moment de partage et de joie de culture juive ?

J’ai adoré la préparation des petites fêtes pour le shabbat. Les enfants faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour être les plus beaux, pour connaître le mieux leur texte, pour chanter et danser devant leur famille. On voyait briller tous les yeux, ceux des enfants, ceux des parents et ceux des grands-parents. C’était un bonheur total et partagé avec les professeurs !

Je suis très fière de tous mes élèves, parce que ceux que je revois me paraissent bien dans leur peau et semblent avoir une bonne situation. J’en suis heureuse pour eux. J’ai eu aussi le bonheur de connaître plusieurs élèves qui sont devenus des artistes :
Shirley LAUB (ndlr voir Judaïcausette ) est une violoniste exceptionnelle, une soliste incroyable ! Sa sœur aussi est une brillante musicienne ;
David SONNENBLUCK est devenu danseur (dans la compagnie de Maurice Béjart) puis maître de ballet; il a créé des ballets, dansé aux 4 coins du monde. Il danse aujourd’hui à Bruxelles.
Frédéric HALBREICH est lui devenu peintre, Il travaille le geste, les lignes avec des subtilités de tons que j’apprécie. J’aime beaucoup sa personnalité aussi !
Serge HELHOLC, enfant, il était fantaisiste, un peu clown triste par moment. Il fait des peintures colorées, gaies, qui donnent de la joie au cœur.

A.K.

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