Ginette Kolinka, survivante du camp de Birkenau.

copyright: Rageot/Antonin Faure, d’après une photographie de Ginette Kolinka (collection personnelle de l’auteure)

Pour le jeune public, adapté de Retour à Birkenau de Ginette Kolinka, avec Marion Ruggieri, Rageot-Editeur.

Quand un livre est adapté en livre… Le plus bel hommage littéraire à la Shoah.

La littérature ne compte plus ses œuvres adaptées au cinéma, en comédies musicales, au théâtre, en bande dessinée. Mais un livre adapté en un livre, c’est du jamais vu ! Si selon Guylain Desnoues de chez Rageot, ce travail d’adaptation n’a rien d’extraordinaire, il l’est bel et bien pour la jeunesse belge, pour laquelle la Shoah n’est au programme scolaire que depuis la rentrée 2022-2023. Ginette Kolinka, survivante du camp de Birkenau, est un cadeau essentiel pour les lecteurs et pour l’Histoire. C’est le plus bel hommage littéraire à la Shoah. C’est le plus complet, le plus parfait des ouvrages du genre, pour jeunes lecteurs au départ, mais aussi pour les (beaucoup) moins jeunes. En plus de livrer le récit de Ginette Kolinka en intégralité, il répond de manière exhaustive à l’entièreté des questions essentielles sur le sujet.

Si le livre de Ginette Kolinka bouleverse et fait hurler, l’adaptation réalisée par la spectaculaire maison d’édition Rageot force l’admiration et le respect.  On en sort tout aussi horrifié, et les tripes retournées.  Le coup de cœur et l’uppercut ressentis dans le récit original, le sont tout autant dans cette adaptation pédagogique. Parce que Jean-Pierre Lauby* , grand pédagogue et historien, va très loin, avec une précision parfaite et inégalée dans ses explications sur cette période terrible, avec son avant et son après. Son dossier documentaire, avec ses chapitrages, une écriture agréable et gracieuse, rend l’outil accessible, ce qui ajoute à cette pépite, son caractère unique. Jean-Pierre Lauby a ceci en commun avec Ginette : un langage qui se comprend par tous. Ce cours d’histoire est le prolongement du témoignage de Ginette. Il est impératif de lire et d’offrir cette adaptation à tous les enfants de 14 ans et plus.

« Notre édition adaptée de « Retour à Birkenau » est destinée à tous les publics, particulièrement les plus jeunes lecteurs, pas forcément familiers du contexte historique de la Seconde Guerre mondiale, de la déportation et de la Shoah. », explique Guylain Desnoues, éditeur jeunesse depuis une dizaine d’années.

L’adaptation de Rageot comporte le texte intégral – jusqu’à la dédicace – pour la première fois dans l’ordre chronologique, accompagné d’un dossier documentaire et de questions que des adolescents ont posé à Ginette, qui témoigne inlassablement dans les écoles depuis les années 2000.  Guylain Desnoues s’est chargé de la mise en ordre chronologique du texte, du chapitrage, du glossaire et de la commande des cartes qui accompagnent le dossier de J.P. Lauby.

Le livre commence par le récit intégral de Ginette Kolinka, avec un changement temporel et avec un découpage en parties et en chapitres, ce qui permet aux jeunes lecteurs d’avoir de meilleurs repères. « Le travail d’adaptation est extrêmement marginal. Il a consisté à déplacer quelques éléments. Dans la version originale, le livre commence par le retour de Ginette Kolinka sur les lieux. Nous avons simplement souhaité présenter le récit dans un ordre chronologique plus intuitif pour de jeunes lecteurs et l’accompagner d’un paratexte susceptible de l’éclairer. Grasset, en tant qu’éditeur de la version d’origine, titulaire des droits a validé les différentes étapes du projet et a fait l’interface avec les deux co-autrices. », poursuit Guylain Desnoues.

Après le récit, le livre offre donc un éclairage historique et culturel avec le dossier pédagogique réalisé par Jean-Pierre Lauby. Il y explique ce qu’est un récit et pose les questions essentielles. Pourquoi la déportation ? La situation politique en France ? L’idéologie qui conduit à une extermination massive. L’organisation des camps et sa vie quotidienne.

L’antisémitisme en France est décrit du Moyen-âge à la deuxième guerre mondiale. Les mesures anti-juives, la discrimination, les spoliations, l’étoile jaune, de Gaulle et Pétain : Lauby n’oublie rien. Trois cartes indispensables viennent compléter ces informations. L’une permet de suivre le parcours de Ginette Kolinka en offrant une visualisation complète depuis son arrestation chaotique en France, jusqu’à son retour compliqué. La seconde illustre les différents camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz et une dernière carte décrit la France sous l’Occupation.  Le glossaire et les questions surprenantes de certains élèves ajoutent une valeur exponentielle. Pour reprendre les termes de Guylain Desnoues : « elles sont très spontanées ! »

Une nouvelle édition vient de voir le jour et fait l’objet d’une distribution d’une version « spécimen » dans les centres de documentation des collèges de France, avec un dossier pédagogique supplémentaire destiné aux enseignants et réalisé par Dalila Younes-Kaced. Rendez-vous dans 15 jours dans JMAG.

En 2023, pourquoi faut-il parler aux jeunes de la Shoah et publier sur le sujet ? Interrogé, Guylain Desnoues, qui est historien de formation répond : « Il me semble que les mouvements révisionnistes sont moins virulents de nos jours qu’il y a quelques années ou décennies, mais effectivement c’est plutôt l’oubli qui est en danger. Pour les élèves qu’elle rencontre, Ginette Kolinka est un personnage historique et le milieu du XXe siècle est très lointain pour eux. L’écrit est donc un moyen de continuer à porter une parole vive. Comme le dit Ginette Kolinka à ces élèves, en conclusion de ses interventions : désormais c’est à vous de transmettre cette histoire. »

Le plus grand génocide industriel du 20e siècle, pensé, extrêmement bien organisé et mis en place par le troisième Reich ne semble toujours pas faire écho aux oreilles de ceux pour qui la menace des extrêmes ne parle pas. Ce livre est donc un combat d’une actualité brûlante. C’est un espoir poignant pour l’éducation, l’apprentissage, la découverte par ceux qui l’ignorent de cette abomination que fut la Shoah. C’est « LE flambeau littéraire » du devoir de Mémoire et de la Transmission.

Comme le dit Jean Pierre Lauby : « Le témoignage de Ginette Kolinka est d’autant plus précieux qu’elle est une des dernières paroles vivantes de la Shoah.  Il faut écouter et lire Ginette Kolinka. »

Paule Gut.

Ginette Kolinka, survivante du camp de Birkenau. Adapté de Retour à Birkenau de Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri, Editions Rageot, 2020, 160p.

*Jean Pierre Lauby est né en 1950. Il est inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional d’histoire et de géographie honoraire, ancien membre de la Commission Pédagogie de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Il est président de l’association « Les Enfants de Sam » (Sam Braun, déporté à Anschwitz-Monowitz) et fondateur de l’association « Germaine Tillon, Mémoires d’Allègre ». (Germaine Tillion (1907-2008) est née à Allègre. Elle fut une ethnologue, déportée et résistante). Il est actuellement membre du Conseil d’administration et du bureau de l’Union des Déportés d’Auschwitz.

Mes profonds remerciement à Guylain Desnoues , éditeur chez Rageot. D’une réactivité exemplaire, il a largement contribué à rendre cette chronique complète. Les éditeurs sont primordiaux pour que naissent et vivent les livres.

https://www.rageot.fr/qui-sommes-nous/

https://maisondelaculturejuive.be/litterature/retour-a-birkenau-de-ginette-kolinka-avec-marion-ruggieri-version-courte/
https://maisondelaculturejuive.be/pensee-juive/entretien-avec-ginette-kolinka/

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