Judaïcausette© avec Didier Kohn

Didier Kohn est né à Bruxelles en 1964 de parents ashkénazes. Il fréquente en primaire le Paradis des enfants et l’athénée Adolphe Max pour les secondaires inférieures. Il enchaîne avec le Jury Central. Il fréquente le mouvement de jeunesse Hanoar Hatsioni, Le Centre des Jeunes et aide plus tard Michel Brandeis à l’animation du Foyer 19-25. Passionné de radio, il rejoint l’aventure de Judaïca 90.2 FM dès 1980, avec, comme il dit, plusieurs saisons & plein d’épisodes dedans. La radio juive, il la conçoit comme une fenêtre et pas comme un miroir ! Il sera par ailleurs délégué commercial dans le vin. Mais parce qu’amour rime avec toujours, Didier revient à la Matinale de sa station spéciale ! Son compte facebook est un hymne à la joie : ses blagues, du meilleur goût possible, arrosent de sourires ses quelque 1300 amis. Didier adore aussi le sport automobile !

DEFINITION : Quelle serait votre définition de la culture juive ?

Pour moi, la culture juive est un art de vivre, une philosophie de la vie. Par art de vivre, j’entends : l’hospitalité, l’empathie, la résilience, des choses positives et d’autres non. Je dirais aussi que c’est l’art de l’humour et de l’autodérision. Je trouve les Juifs globalement optimistes, malgré le fait qu’on étiquette souvent les ashkénazes de pessimistes, mais ce ne sont pas eux qui le disent !

J’aime aussi le fait que – conséquence de la dispersion des Juifs dans le monde – la culture juive soit plurielle. Le mélange des cultures, leurs diversités, me parle. Quels sont les points communs entre un ashkénaze et un séfarade ? A peu près les mêmes qu’entre un Corse et un Norvégien, tous deux européens… Je tâtonne ici une définition mais c’est plutôt un constat. La. Je suis conscient d’avoir reçu une culture juive, elle fait partie de mon ADN mais j’ai du mal à la définir.

RESSENTI : Comment définiriez-vous votre culture juive ? Comment la vivez-vous ?

Je suis issu d’une famille traditionaliste où on ne célébrait que les grandes fêtes – Rosh Hashana, Kippour, Pessah – pour certaines à la synagogue. En dehors de ça, j’ai appris le judaïsme aux cours de religion à l’école et lors de la préparation de ma bar-mitsva. J’ai même eu ma période mystique ! Je suis ni croyant ni observant, ce qui ne m’empêche pas de me sentir profondément Juif. La culture ashkénaze est mon cadre de référence, je fonctionne et raisonne dans ses codes, ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier la culture sépharade de mes compagnes ainsi que la chaleureuse ambiance orientale qui les entourait : c’est un autre univers !

Je dirais aujourd’hui que je m’inscris consciemment et inconsciemment, dans cet art de vivre que j’ai évoqué plus haut. Je me fonds aussi dans une forme d’humour juif. C’est une tournure d’esprit que je ne pourrais pas définir. Elle n’est pas meilleure, elle est particulière, juste différente. Et d’expérience, les chutes ne font pas toujours le même effet sur des personnes juives et non juives : les nuances vont du fou rire complice au bide…

MUSIQUE : Quels sont vos musiciens « de prédilection » ?

Toutes les musiques me font vibrer mais j’ai toujours été très sensible à la musique slave, et donc klezmer. Gamin, j’avais des frissons en écoutant les chœurs de l’Armée Rouge. Ils ne sont pas juifs, loin de là, mais cette musique peut me tirer des larmes. La musique orientale me plaît aussi dans ce qu’elle a, pour moi, d’un peu hypnotique.

Je citerais par ailleurs à Michel Jonasz ou au chanteur Herbert Pagani, avec La bonne franquette ou Le plaidoyer pour ma terre. Ses textes sur le judaïsme m’avaient fort touché ; Je pense à Jean Ferrat, dont la voix, la musique et l’orchestration sont en symbiose. Il m’a fait découvrir Aragon via son album Ferrat chante Aragon . Quelles rencontres ! J’avais trouvé les textes du poète d’une puissance rare et d’une telle authenticité. Ses mots ont surgi comme une Vérité. J’ai été bouleversé par sa façon d’exprimer l’amour, l’amitié, l’éternité. J’en reste ébloui…

Côté musique israélienne, je suis touché par la voix de Yehoram Gaon, par les orchestrations de Shlomo Gronich qui avait réuni des enfants d’origine éthiopienne pour une chanson magnifique , et j’aime de plus en plus ce que fait le musicien Idan Raichel . Je suis aussi sensible à Léonard Cohen, même si je ne connais pas toute son l’œuvre.

LITTERATURE : Quels auteurs, ouvrages, vous ont-ils touché ?

Je suis un mauvais élève et je n’ai pas beaucoup lu d’auteurs dits classiques ni d’écrivains juifs. Mais j’avais apprécié Le diable en tête, un des premiers romans de Bernard-Henri Lévy. Sinon j’étais fan de René Barjavel quand j’étais jeune. Plus récemment, je suis tombé sur Harlan Coben et puis, sans rapport avec la choucroute, j’adore la politique fiction de Tom Clancy !

ARTS PLASTIQUES : Un.e peintre, sculpteur.trice, artiste, œuvre…

En peinture je n’y connais rien mais j’aime bien Marc Chagall. Autant la musique, l’écriture et la poésie peuvent m’émouvoir, autant la peinture, la sculpture, ne me touchent pas. En toute simplicité, ça me plaît ou ça ne me plaît pas.

7EME ART : Quels films, réalisateurs.trices, vous reviennent-il en mémoire ?

Alors on ne doit pas être nombreux mais je suis allergique à Woody Allen ! Je n’ai pas réussi à aller au bout d’un seul de ses films alors que ses citations me font rire. Voilà qui est dit. Par contre, j’ai aimé certains films d’Elie Chouraqui et de Claude Lelouch qui, pour sa part, n’a pas fait une œuvre « judéo-juive ».

Je suis par contre curieux de voir The Fabelmans de Steven Spielberg qui aborde, pour la première fois, publiquement, son judaïsme. Ce n’était pas un secret, mais il le traite de front, ce qui me renvoie au récent livre Steven avant Spielberg

Penso. Le réalisateur et monteur a revisité l’enfance de Spielberg et tout ce qui a été fondateur dans l’œuvre du cinéaste américain. On comprend mieux son parcours singulier.

PENSEE JUIVE : Etes-vous proche de la/d’une pensée juive /d’un.e philosophe ?

Je re-citerais Herbert Pagani . Je ne suis pas communiste comme il a pu l’être mais j’ai apprécié son approche, ses textes forts sur le judaïsme et sur Israël. Je frissonne encore à l’écoute de sa chanson L’Étoile d’or ou de son mémorable Plaidoyer pour ma terre . Et j’y reviens encore aujourd’hui parce que je trouve ses mots fondateurs et que la chanson, de façon générale, permet aussi de perpétuer la mémoire, de stimuler la pensée, de manière moins formelle.

SOUVENIR : Pourriez-vous nous confier un moment de partage et de joie de culture juive ?

Lors de mon unique voyage en Israël, en 1986, je me suis rendu à Yad Vashem. Le lieu était bien sûr « chargé » mais étrangement, l’ambiance n’y était pas lourde. Je m’y suis rendu en toute humilité et dans le recueillement. Ce moment m’a néanmoins fort troublé parce que je n’y ai pas trouvé le nom de mes grands-parents maternels qui ne sont pas revenus des camps. J’ai épluché les microfilms à l’époque. Rien. Comme s’ils n’avaient pas existé, alors que j’avais vu des photos d’eux et que ma mère est orpheline de guerre. Depuis, nous avons introduit le nom de ma grand-mère. Celui de mon grand-père déporté n’y figure toujours pas.

Souvenir plus léger : je garde d’excellents souvenirs des séminaires (en France, en Italie, en Autriche) organisés par l’Union des étudiants juifs européens (EUJS). Je rencontrais pour la première fois des Juifs des 4 coins d’Europe et du monde avec lesquels je ne partageais, en fait, ni la culture ni la langue. C’était très enrichissant. Nos curseurs étaient au maximum, on ne pouvait que s’ouvrir aux autres et donner 110% de soi-même ! C’était le principe des amours de vacances : courts, intenses, souffrants. Clive Lawton , le fondateur du Limmud, y avait mené un atelier d’écoute et de tolérance.

Une très douce pensée aussi pour Marc Guillaume et Claudine Gepts qui étaient animateurs au Centre des jeunes. Ils jouaient de la guitare et ils nous ont fait découvrir plein de choses : des chansons, des textes, des auteurs, des musiques et Herbert Pagani ! On préparait des spectacles musicaux et poétiques ensemble et nous avons été jusqu’à nous produire devant 800 personnes au Passage 44 ! Marc et Claudine m’ont définitivement transmis le goût du spectacle. Ils ne sont pas juifs, ils ont vécu un moment en Israël et leur fille se prénomme Yaël ! Ce couple généreux, ouvert et curieux est magnifique !

A.K.

Sa page Facebook : https://www.facebook.com/didier.kohn1
Sur Radio Judaïca : https://radiojudaica.be/equipes/didier-kohn-28
La Matinale : https://radiojudaica.be/podcasts/les-chroniques-de-la-matinale-152/

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