Une expérience scolaire unique sur la capacité de faire perdre à tout individu ou groupe, toute liberté de pensée, leur faire abandonner leurs droits individuels, quitte à nuire à autrui, et ce en quelques jours. Un livre fort qui fait ressortir une réflexion sur les effets de groupes et le libre-arbitre.
Basé sur des faits réels.
Université de Palo Alto, Californie, 1969. Cours d’histoire. Après la projection d’un film sur les camps de concentration, la classe de lycéens en terminale du professeur Ross est sous le choc.
Amy Smith, bonne élève demande alors à son professeur, si tous les Allemands étaient nazis.
« Non, répond Ross. En fait, moins de dix pour cent de la population appartenait au parti nazi. » « Alors pourquoi personne n’a essayé de les arrêter ? » « Je ne peux pas répondre avec certitude. Les nazis étaient peut être une minorité, mais une minorité très organisée, armée et dangereuse. Vous ne devez pas oublier que le reste de la population n’était ni organisé, ni armé et vivait dans la terreur. »
(…) Vers le fond de la classe, un lycéen noir, prénommé Eric leva brusquement la main : « C’est n’importe quoi, lança-t-il. Comment pourrait -on massacrer dix millions de gens sans que personne ne s’en aperçoive ? »
Ben Ross explique alors qu’après la guerre, beaucoup de nazis essayèrent d’excuser leur comportement en expliquant qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres et qu’ils se seraient fait tuer s’ils avaient désobéi. « Ce n’est pas une excuse, objecte alors Laurie, première de classe et rédactrice en chef du journal du lycée. Ils pouvaient penser par eux -mêmes. Personne ne pourrait obéir à un ordre de ce genre, sans se poser de questions. »
Ben Ross est un professeur d’histoire hors normes. Il donne une perspective nouvelle à ses cours. Il veut rendre ses leçons vivantes. S’il enseigne les partis politiques, il divise la classe en partis. S’il étudie un procès célèbre, il désigne un accusé, les avocats et les autres qui constituent le jury.
Il va leur montrer comment on peut manipuler des masses, quelles qu’elles soient. Comment en très peu de temps, un groupe de quelque personnes peut en contaminer des dizaines, qui à leur tour étendront leur domination. Il va créer le mouvement LA VAGUE.
Il réussit, en quelque jours, à transformer de sympathiques lycéens d’une classe, somme toute banale, en véritables et parfaits petits nazillons. Il lui suffit de mettre en place quelques éléments déterminants, qui formeront un groupe et leur donneront toute leur cohésion. Des petits dictateurs devenus, à la fois, bourreaux et moutons obéissants à des règles absurdes et cruelles. Des jeunes gens qui vont vite perdre leur libre arbitre, quitte à nuire à autrui.
Le jeu prend des proportions qui dépassent le maitre et initiateur. Lui-même, s’y prête de plus en plus. Il perd pied dans ce qu’il ressent en lui et dans les pensées et les actes de ses petits soumis bien disciplinés. Le jeu se transforme en une véritable dictature. Il s’agit de l’événement le plus effrayant qu’il y eu dans un lycée dans le monde. C’est ce qualificatif qu’utilisera le professeur dans ses confidences.
Le style est simple, sans fioritures la lecture accessible à un jeune public à partir de 14 ans. Il devient vite addictif, tant l’expérience est saisissante et brutale et se développe avec une rapidité imprévue et rapide. La contagion est partout et tout devient démesurément incontrôlable. La fin de l’expérience est à l’image de celle-ci
NAISSANCES TARDIVES DU TELEFILM ET DU LIVRE
La Vague est un roman de Todd Strasser paru en 1981 et une adaptation du téléfilm La Vague, lui-même inspiré de La Troisième Vague, une expérience de psychologie pratique réalisée au lycée Cubberley à Palo Alto en Californie, en 1969 par le professeur d’histoire Ron Jones.
N’arrivant pas à expliquer à ses élèves comment les citoyens allemands avaient pu laisser le parti nazi procéder au génocide de populations entières sans réagir de manière notable, Ron Jones décida d’organiser une mise en situation. Il fonda un mouvement nommé « la Troisième Vague » (the Third Wave), dont l’idéologie vantait les mérites de la discipline et de l’esprit de corps, et qui visait à la destruction de la démocratie, considérée comme un mauvais régime en raison de l’accent qu’elle place sur l’individu plutôt que sur la communauté.
L’histoire est restée inédite et confidentielle jusqu’en 1976. La seule source écrite contemporaine aux événements est le journal du lycée, le Cubberley Catamount : une brève le mentionne laconiquement le mouvement, puis un article de fond revient sur l’expérience de manière peu détaillée. Celle-ci est également citée dans le même journal, pendant l’année scolaire suivante, à l’occasion d’un nouvel exercice similaire.
L’expérience de Ron Jones, narrée dans un article écrit par le professeur lui-même en 1972, sous le titre The Third Wave , est rendue publique pour la première fois en 1976, dans un magazine indépendant. Jusque-là l’expérience demeure donc confidentielle. Mais cette aventure attire l’attention du producteur Norman Lear, lequel décide de produire un téléfilm. Ron Jones ne participera pas à l’élaboration du scénario, signé Johnny Dawkins. Tourné par Alexander Grasshoff en 1981, et diffusé la même année, le téléfilm The Wave reçoit un Peabody Award en 1981 et un Emmy Award en 1982.
Sous le pseudonyme de Morton Rhue, le romancier Todd Strasser publia en 1981, sous le titre The Wave, une adaptation romancée du téléfilm, il s’agit donc d’une adaptation d’adaptation. Ce roman, d’après une rumeur persistante, aurait fait partie des lectures obligatoires pour les lycéens allemands pendant les années 1990, mais cette information reste incertaine.
L’énorme succès du téléfilm et du roman (traduit en quinze langues) a conduit à de nombreuses adaptations pour les planches, soit comme pièce de théâtre, soit comme comédie musicale.
Le 11 octobre 1992, sollicité par le gouvernement allemand, Ron Jones donna une conférence sur la Troisième Vague à Nuremberg, dans les quartiers réservés à Hitler lors des congrès du parti nazi. La conférence a été filmée.
Dans son avant-propos, l’éditeur Jean-Claude Gawsewitch conclut : « Ce livre d’apprentissage devrait marquer les générations futures car un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »
La Vague est sans doute le roman qui décrit le mieux, la mise en place de ce qu’est l’endoctrinement, l’embrigadement, inhibant la liberté de pensée et menant des groupes à commettre des massacres et semer la terreur.
Paule Gut.
La Vague de Todd Strasser, 1981, version Pocket, 2008, 222 p.
La Vague de Palo Alto – Invitation au voyage – ARTE
https://www.facebook.com/watch/?v=185693506623033
Bande originale VF du film de 2008 :
https://www.youtube.com/watch?v=xYF232vStQ4&ab_channel=bacfilms
Bande annonce VOSTFR du film de 2008 :
https://www.youtube.com/watch?v=xBwj28sflL4
Film complet du téléfilm de 1981, langue originale sous-titré néerlandais :
https://www.youtube.com/watch?v=dPTsVjnGNZ8