Hans Jonas est un philosophe connu pour avoir notamment posé la question du concept de Dieu après la Shoah. Comment accepter un Dieu infiniment puissant et infiniment bon alors que de telles horreurs se perpétuent ?
Hans Jonas est un historien du gnosticisme[1] et un philosophe juif allemand. Il nait le 10 mai 1903 à Mönchengladbach et décède le 5 février 1993 à La Nouvelle-Rochelle dans l’état de New-York aux Etats-Unis. Il suivra des études de philosophie à l’université de Fribourg, de Berlin, de Heidelberg ainsi qu’à l’université de Marbourg où il défendra sa thèse de doctorat sur la gnose, un courant de pensée philosophique basé sur la connaissance ainsi que sur la possibilité de compréhension des choses divines. Au cours de ses études il aura l’occasion de côtoyer différents illustres nom de la philosophie moderne tel que Husserl et Heidegger, dont il suivra les cours. C’est également à cette occasion qu’il fera connaissance de la philosophe Hannah Arendt.
Jonas fuira l’Allemagne en 1933 à la suite de la montée du nazisme et se réfugiera dans un premier temps à Londres. Mais, en tant que sioniste convaincu, il rejoint la Palestine en 1935 et participera aux actions de la Haganah entre 1936 et 1939, période durant laquelle il côtoie le philosophe Gershom Scholem. Il s’engagera dans la brigade de volontaires juifs dans le camps des Alliés entre 1943 et 1944 sur le front italiens et en Allemagne. Après la Seconde Guerre Mondiale, il participera à la guerre d’indépendance d’Israël et enseignera à l’université hébraïque de Jérusalem. Il quittera Israël en 1950 pour s’installer au Canada puis à New-York où il enseignera à la New School for Social Research.
Le champ philosophique de Hans Jonas est large, il s’intéresse tantôt au divin et tantôt au problème sociétaux moderne. Il est d’ailleurs l’un des quelques philosophes qui, au cours du 20ème siècle, s’intéresse aux réflexions écologiques et aux problèmes posés par une société technoscientifique. Cette pensée écologique sera au centre de l’un de ses ouvrages principaux : Le Principe Responsabilité. Ce livre permet à Jonas de développer son concept, selon lequel l’être humain acquière un devoir de responsabilité qui lui est conféré par son gain en puissance due au progrès scientifique. Il utilise l’heuristique de la peur pour imager son concept : si nous sommes capables d’imaginer les dérives d’une technologie il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour empêcher la réalisation de cette dérive. Ainsi, la responsabilité chez Jonas se pense comme une façon de pérenniser les conditions d’existence des générations futures.
Hans Jonas est également un philosophe de la gnose, qui comme nous l’avons dit plus haut, est un courant de pensée philosophique au sein duquel on considère qu’il est possible de comprendre Dieu et les choses divines, au moins en partie. Le gnosticisme jonassien est essentiel dans sa compréhension du judaïsme, car si Dieu est absolument hors de notre compréhension, réfléchir le divin de façon théologique, kabbalistique ou ontologique ne saurait avoir de sens.
Le Principe Responsabilité et l’étude de la gnose chez Jonas prennent tout leur sens au sein d’une conférence qu’il donna en Allemagne à l’université de Tübingen. Cette conférence intitulée Le Concept de Dieu après Auschwitz lui permet de conjuguer son principe responsabilité propre à l’humain et la question millénaire de la théodicée : « si Dieu est infiniment puissant et infiniment bon comment le mal peut-il exister ? ». Jonas se sert de la kabbale d’Isaac Louria et du concept du Tsimtsoum, où Dieu doit nécessairement s’effacer du monde pour permettre à celui-ci de s’épanouir. Dieu est un être parfait, Il Est l’Unité Absolue. Celui-ci ne saurait « co-exister » à un monde imparfait. Si Dieu ne s’efface pas, nous serions en effet dans un monde en état de perfection constante, ce qui n’est assurément pas le cas. Mais si Dieu s’efface, il ne saurait avoir d’effet sur le monde, si ce n’est le premier moteur de sa création. Nous avons ici, un Dieu du devenir impuissant, dont l’impuissance permet au monde d’exister. Ainsi les concepts de Bien et de Mal ne sauraient être d’origine divine, mais bien humaine. Alors, si tous nos principes sont d’origine humaine, cela signifie que l’humanité est maitresse de son destin. Faire le bien, en tant que concept humain universelle, devient alors notre devoir, selon le principe responsabilité.
Yonathan Kreisman
Bibliographie
Jonas Hans, Le concept de Dieu après Auschwitz, trad. Philippe Ivernel, Paris, Payot et Rivages, coll. « Rivages poche / Petite Bibliothèque 123 », 1994.Jonas Hans, Le principe de responsabilité, trad. Jean Greisch, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », 1995.Marie-Geneviève Pinsart, Hans Jonas et la liberté. Dimensions théologiques, ontologiques, éthiques et politiques, Paris, Vrin, 2002.
[1] Le gnosticisme est un courant de pensée ou un dogme au sein duquel la connaissances de Dieu ou des choses divines est possible au moins dans une certaine mesure.