Echanges autour de la culture juive avec Nathalie Uffner

Nathalie Uffner Crédit photo Fahd Zidouh

Comédienne, metteur en scène, codirectrice du Théâtre de la Toison d’Or à Bruxelles, Nathalie Uffner participe à plusieurs émissions de radio et télévision, monte et écrit des spectacles de théâtre. Elle est notamment l’auteur de « La cuisine juive expliquée à mon ami goy ». Sa vie semble tout assaisonnée d’humour, souvent juif.

Quelle serait votre définition de la culture juive ?

Comme il n’y a pas vraiment de continuité dans l’histoire de notre peuple, géographiquement, et du fait que nous n’ayons pas tous subi la même chose, j’ai plutôt l’impression qu’il existe plusieurs cultures juives. Et je me demande si, finalement, religieux et non religieux, ne nous rejoindrions pas tous dans la religion et dans les fêtes. Par ailleurs, pour moi, le mot culture est lié à l’art. Après, on peut parler de la culture juive dans les arts. Je me rends compte que je ne m’étais jamais vraiment posé cette question. Ce n’est pas évident d’apporter une belle réponse.

Comment définiriez-vous votre culture juive ? Comment la vivez-vous ?

Personnellement, je ne suis pas du tout religieuse. Je suis née en Belgique de parents belges d’origine polonaise. Ma culture juive est liée à mon histoire familiale de l’après-guerre, à la cuisine ainsi qu’à la communauté que je fréquente par intermittence : un pied dedans et un pied dehors. Enfant, j’avais une amie juive dont les parents étaient amis avec les miens, ensuite j’ai fréquenté les mouvements de jeunesse juifs où je pouvais partager une identité, une histoire inconsciente, l’esprit y était familial. A côté de cela, il y avait les amis de l’école qui n’étaient pas juifs. Adulte, j’ai continué à vivre de la même manière, entre mes amis juifs et mes tout aussi indispensables amis non-juifs.

Quelle/Quel serait votre musique/chanteur/musicien juif de prédilection ?

Avant tout, je n’écoute pas la musique en me disant : « c’est la culture juive que j’aime bien » mais j’ai récemment flashé sur NOGA EREZ, une jeune chanteuse israélienne qui fait de la musique de jeunes, disons une « Angèle » israélienne.

J’adore aussi BARBARA STREISAND et la famille de mon mari écoutait beaucoup ENRICO MACIAS. C’est un chanteur qui me touche mais que je ne vais pas religieusement écouter assise dans un fauteuil. Sinon, je ne suis pas très folklore. Quand j’entends de la musique KLEZMER, je trouve ça beau, la MUSIQUE ISRAELIENNE pas particulièrement.

Pouvez-vous nous citer un auteur juif, un titre de livre qui vous aurait particulièrement touchée ?

J’ai lu beaucoup de livres d’ISAAC BASHEVIS SINGER. C’est un écrivain qui arrive à mêler fantastique, concret et religiosité. J’entre littéralement dans ses fables que je trouve très modernes.

J’adore aussi PHILIP ROTH, ses romans sont d’une intelligence extrême, il est fin psychologique et très drôle.

Aussi, quand j’étais jeune, j’ai travaillé dans un magasin de BD où j’ai découvert Maus d’ART SPIEGELMAN. Quel chef-d’œuvre ! Pour moi c’est de l’art extrême : le dessin est fort, l’histoire est forte, c’est comme s’immerger dans une peinture. C’est très violent, c’est un grand artiste.

Enfin, j’ai beaucoup aimé le dernier livre de YASMINA REZA. Alors que l’ensemble de son œuvre – son théâtre notamment – ne fait pas référence au monde juif, son dernier roman, Serge, se situe précisément à cet endroit. Il est teinté de beaucoup humour. On sent qu’il est clairement écrit par une autrice juive.

Citez-nous un peintre, un sculpteur, un artiste, une œuvre « juive »

Lorsque j’étais petite, ma grand-mère me parlait toujours de MARC CHAGALL. Je me demande même si elle n’avait pas une de ses affiches chez elle. L’œuvre de ce peintre m’a toujours intriguée, comme s’il arrivait à mettre de la couleur sur des images tristes, à projeter, par exemple, de la joie sur un violoniste qu’on imagine déambuler seul dans un shtetel.

Sinon, je suis plutôt sensible à la photographie. Et j’ai eu le plaisir de découvrir LEONARD FREED, il y a 2 ans, lors d’une exposition au Musée Juif de Belgique. Il a réalisé des portraits d’enfants juifs religieux, de curés, de noirs ou encore de drogués dans les rues de New York. Ses images puissantes témoignent de son intérêt pour LES cultures qui se côtoient en Amérique et j’ai trouvé ça très fort.

Quel film, quelle série, quel comédien(ne), vous revient-ils en mémoire ?

Je me souviendrai toute ma vie de la première fois où j’ai vu UN VIOLON SUR LE TOIT. C’était dans un cinéma de quartier, à Berchem-Sainte-Agathe, avec mes parents et ma sœur. On pouvait encore apporter des frites dans la salle de cinéma… Je me souviens aussi d’UN SAC DE BILLES, d’autant plus qu’on s’était retrouvé, l’été suivant, dans un kibboutz avec l’un des deux jeunes acteurs. Ça m’avait fort marqué.

Dans le genre sépharade, LA VERITE SI JE MENS m’a donné beaucoup de plaisir, j’ai beaucoup ri.

J’ai aussi vu FRAN LEBOVITZ une série documentaire sur Netflix, de Martin Scorsese. Quel personnage ! Elle représente pour moi la Juive new yorkaise telle qu’on la fantasme. Elle est assez incroyable, j’adorerais la rencontrer !! On sent le plaisir du réalisateur à la côtoyer.

Et puis, on ne peut plus le dire aujourd’hui, mais, comme beaucoup de gens, j’ai adoré WOODY ALLEN dans ses premiers films, notamment dans Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe… sans jamais oser le demander, ça m’avait fait hurler de rire.

Etes-vous proche de la/d’une pensée juive /d’un philosophe ?

La pensée juive proprement dite n’est pas ma tasse de thé. Contrairement à mon mari, je n’ai lu ni Martin Buber ni Maimonide. Mais plus jeune, j’avais adoré JERRY SEINFELD. Sa judéité transparaît dans son humour, dans ses stand-up et dans sa fameuse série.

Pourriez-vous nous confier un MOMENT/MODE DE PARTAGE ET DE JOIE de…culture juive ?

Il y en a plusieurs : – Je pense à ma jeunesse : malgré le fait que nous ne célébrions jamais les fêtes juives à la maison,

nous mangions des spécialités juives : et ça… !!! – Les mouvements de jeunesse m’ont appris beaucoup de choses, de l’histoire en passant par les chansons ou quelques mots d’hébreu. Je retiens aussi ces notions de partage, d’idéal d’égalité. C’était très stimulant et enrichissant. Nous sommes d’ailleurs toujours en contact. – La famille de mon mari, juive égyptienne, m’a fait découvrir la religion et la pratique des fêtes J’observe Kippour et fête Pessah depuis 29 ans sauf lorsque je joue le soir et que c’est compliqué. Nos familles et nos deux cultures se retrouvent depuis autour de la table. Ces célébrations sont devenues importantes pour moi. C’est nous, ma sœur et moi, qui avons apporté cela à nos parents.

>A voir du 1er au 31 juillet 2021 au lac de Genval : « Sex And Jealousy » de Marc Camoletti pièce mise en scène par Nathalie Uffner dans le cadre du Festival « Il est temps d’en rire »
Infos : http://www.ttotheatre.com/spectacle/sex-and-jealousy-2/

A. K.

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