Proposition de réflexion
Disons-le tout de suite, cette interrogation n’est pas neuve car elle dit quelque chose de notre présence en diaspora depuis plus d’un millénaire, de notre participation à la culture ambiante et, partant, de notre intégration voire assimilation. Nous sommes devenus, en partageant notre culture, des citoyens de nos pays respectifs, en intégrant de notre côté les différents modes d’expression culturelle existants et en y apportant une couleur et une forme nouvelle. La preuve de notre intégration est toute contenue dans cet apport culturel, à laquelle j’ajouterai notre présence manifeste dans des pans entiers de la société, notamment en Europe, dans des domaines aussi divers que les sciences fondamentales et appliquées, la politique, l’économie, etc.
Reste à explorer la notion même d’un art « juif » : S’agit-il d’un art dont le mode d’expression serait typiquement juif ? S’agit-il d’un art exploitant les ferments de notre judaïsme : Religion, représentations historiques, etc ? Ou bien d’une littérature utilisant certaines parmi les nombreuses langues juives ? Ou encore tout simplement une œuvre créée par une personne juive, indépendamment de son contenu ?
Voici une proposition de réflexion : Si nous mettons aux quatre points cardinaux de notre boussole culturelle les quatre artistes suivants : Marc Chagall (peinture surréaliste et néo-primitiviste inspirée par le folklore hassidique), Woody Allen (humoriste, réalisateur et écrivain explorant l’ensemble des névroses possibles), Marcel Proust (écrivain de l’esthétique et de l’expressionisme) et Steven Spielberg (Réalisateur à succès de Duel, Rencontre du troisième Type et de la Liste de Schindler), on ressent, à des degrés très divers, des traces de cette « judéité… évidentes chez Chagall, mais en filigranes avec le personnage de Swann dans « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. On ressent, du plus manifeste au moins évident, une forme de « dégradé » de judéité de l’un à l’autre, sans être capable d’identifier le basculement d’une forme d’art juif à une autre, ou d’œuvre à contenu juif à une œuvre créée par un(e) artiste juif ou juive.
Les interprétations possibles sont aussi nombreuses que les ressentis des artistes eux-mêmes ainsi que de ceux qui les contemplent ou les écoutent : C’est le miracle de ce questionnement ! À la fois identitaire, religieux, culturel ou politique et alors que certaines de ces formes d’identification souvent s’opposent, seule la culture permet de les réunir et permettre à tout le monde d’y trouver ce qui le nourrira et entretiendra son « yiddishe tam », sa « Jewish soul », sa « judéité ».
Point de frivolité communautariste donc, mais un attachement à l’apport sans cesse renouvelé de la culture juive dans un espace magnifié par l’apport culturel venant de toute personne souhaitant partager la sienne. Le Klezmer dans le Jazz, la Salsa dans le Jazz, l’africanité dans le Jazz, bref, tout çà, c’est du Jazz !
En rechercher l’origine, c’est moins un recul partisan qu’un rappel que le brassage des cultures est aussi un moyen de pérenniser le futur de chacune d’entre elles.
Jean-Marc Finn
Livres conseillés :
Requiem allemand – Une histoire des Juifs allemands (1743-1933) par Amos ELON Ed. Denoël
Le destin juif et la musique : Trois mille ans d’histoire par Frans Lemaire Ed. Fayard
L’art juif de l’antiquité à nos jours: https://akadem.org/index_list_ccc_details.php?id_serie=417