La paracha de la semaine traite de deux formes de sainteté: celle des personnes et celle du temps.
Elle évoque d’abord les règles de pureté attachées aux Cohanim qui servent au Temple et aux sacrifices, puis les fêtes qui rythment et structurent l’année juive.
La sainteté du service et non de celui qui sert
La paracha décrit à nouveau les attributs de prêtres, ainsi que les contraintes liées aux sacrifices.
Le message essentiel porte sur la sainteté du service, et non le statut de l’homme qui assure le service.
Ainsi, dans la haftara de la semaine, Ezechiel décrit que les prêtres, après avoir effectué leur service devaient revêtir des vêtements normaux.
Le Natziv explique que l’expression “pour ne pas sanctifier le peuple par leurs vêtements”, signifie qu’ils ne doivent pas apparaître devant le peuple comme saints à cause de leurs vêtements sacerdotaux particuliers. En dehors du Sanctuaire, les prêtres appartiennent au commun des mortels. (…) et s’ils tentent d’apparaître saints, particuliers et différents du peuple en dehors et au-delà du service accompli dans le Temple, “il ne s’agit pas de sanctification de Dieu, mais de l’arrogance et de la prétention”.
Yeshayahou Leibowitz enseigne qu’il faut combattre cette plaie qui conciste à considérer certaines personnes comme saintes par elles-mêmes et non en raison de la fonction qu’elles remplissent au service de la Torah.
Le calendrier des fêtes
La paracha revient sur le calendrier des fêtes.
Que ce soit l’addition d’une haggadah, ou la transformation de shavouoth – primitivement jour de la Moisson et désormais fête du don de la Torah – ou la réinterprétation de la fête de Souccot, chaque rituel naissant contient encore les traces de ses origines. Si la tradition a changé les rituels, et même abandonné certains, elle a uniformément maintenu et développé les thèmes originaux à la source de ces célébrations. Pessah est restée la fête de la liberté, Shavouoth une action de grâce pour les fruits de la nature et pour le don de la Torah, et Souccot une célébration de reconnaissance portant le souci de l’avenir.
Ce rythme nous rappelle que nos vies doivent avoir des moments dédiés où nous nous concentrons sur les choses qui donnent un sens à la vie .
Le calendrier juif est précisément cela : une structure de temps partagé.
La dualité du judaïsme
Parmi les fêtes établies, celle de Souccot est décrite de façon remarquable. Elle est symbolisée par les 4 espèces ainsi que par le fait de vivre 7 jours dans une cabane.
Souccot est une fête universelle, en ce qu’elle rappelle les épisodes de la création, au même titre que les fêtes de Roch Hachana et Yom Kippour.
Mais Souccot est également une fête particulière, qui rappelle un épisode de l’histoire du peuple juif, celui des 40 ans dans le désert, au même titre que Pessah (sortie d’Egypte) et Chavouot (don de la Loi).
Souccot appartient donc à ces deux cycles de fêtes, rappelant les principes de la création, qui est universel, et celui de la rédemption, qui est particulier.
Le Rav Sacks en tire un enseignement suivant lequel Souccot exprime la dualité du judaïsme: l’universalité et le particularisme. Nous avons tous besoin de pluie; nous faisons tous partie de la nature; nous sommes tous dépendants de l’écologie (d’où le symbole des quatre espèces). Mais chaque nation, civilisation, religion est différente (symbole de la souccah). L’humanité est formée de nos points communs et de nos différences.
L’incertitude radicale
Pendant quarante ans, les Israélites ont vécu sans domicile permanent, souvent en déplacement. Ils étaient dans le désert, où il est difficile de savoir à quoi s’attendre et quels dangers guettent.
Comment alors comprendre le fait que Souccot parmi toutes les fêtes s’appelle z’man simchatenu, la fête de notre joie ?
L’économiste John Kay et l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre Mervyn King, dans leur livre Radical Uncertainty, font la distinction entre le risque, qui est calculable, et l’incertitude , qui ne l’est pas. Ils soutiennent que les gens se sont trop appuyés sur des calculs de probabilité tout en négligeant le fait que le danger peut apparaître d’une source complètement inattendue. L’apparition soudaine du Coronavirus a prouvé leur point de vue. Les gens savaient qu’il y avait une possibilité de pandémie. Mais personne ne savait à quoi cela ressemblerait, d’où cela viendrait, à quelle vitesse cela se propagerait et quel prix cela entraînerait.
Plus important que le calcul des probabilités, il faut comprendre la situation et en établir le récit.
C’est une histoire d’incertitude.
La souccah symbolise la vie dans l’imprévisibilité. Souccot est la fête de l’incertitude radicale. Mais il la place dans le cadre d’un récit, exactement comme le suggèrent Kay et King. Le récit nous dit que même si nous traversons un désert, nous atteindrons notre destination.
Pour le Rav Sacks, l’expérience de quitter la protection d’une maison et d’entrer dans l’exposition de la souccah est une façon d’apprivoiser notre peur de l’inconnu. Nous sommes déjà venus ici. Nous sommes tous des voyageurs. Nous n’avons pas à avoir peur. C’est une source de résilience dont nous avons besoin dans notre monde interconnecté, dangereux et radicalement incertain.
Mais cette incertitude, pour paraphraser Edgar Morin, est aussi source d’optimisme. Lorsque le monde semble courir à sa perte, c’est la capacité du collectif à réagir, et de l’individu à s’engager, qui sont sources d’espoir.
Œil pour œil, dent pour dent
La paracha se termine par l’évocation de la loi du Talion: Œil pour Œil, dent pour dent.
La Torah approuve-t-elle la vengeance par le sang?
Pour de nombreux commentateurs, le principe induit que “la peine doit correspondre au crime”, en créant une loi de l’équivalence permettant à la partie lésée d’être dédommagée pour le préjudice subi.
Cinq considérations sont prises en compte pour calculer au mieux cette juste compensation:
– Nezek: impact du handicap physique sur le revenu de la victime
– Tsa’ar (douleur): différence existant entre le montant demandé pour amputer le membre avec anesthésie ou sans
– Rippouï (traitement médical)
– Shevet (perte de revenus)
– Boshet (humiliation)
La tradition exige également que l’auteur du dommage sollicite le pardon de la victime.
Shabbat shalom
*Inspiré des enseignements du Rabbi Lord Jonathan Sacks