Gens de Varsovie

The Watchmaker, Yehudah Pen, 1914. Oil on canvas, Belarus National Museum of Art, Vitebsk.

 

Le coup de cœur du président de la MCJ

Sur FB se croisent, certes, le pire et le meilleur. Mais, souvent, j’y découvre des inconnus qui m’attirent pour leur profil intéressant ou j’y lis des commentaires qui me transportent. C’est pourquoi je ne résiste pas au désir de partager avec vous ce court texte signé Sara Brajbart-Zajtman, co-fondatrice de la Maison de la Culture Juive (MCJ) dont nous avons dressé le portrait sur notre site La Maison de la Culture Juive, naissance et renaissance ! – La Maison de la Culture Juive

Le billet de Sara sur les « Gens de Varsovie »

«  A lire  – la Yiddishkeit dans tous ses états. On s’y croit. On y est. Ds la mémoire de nos parents. Dans leur tête pleine de souvenirs de là-bas. Ds les livres de Peretz, de Sholem Ash, de Sholem Alekhem. On y est. La, à Tlomackie 13, le siège de l’Union des écrivains et des journalistes juifs. Lieu de rencontres, de débats, de ripaille, d’engueulades, de découvertes de ces talents qui laisseront leurs traces sur notre approche de la vie – An ski qui récite sa pièce Le dibbouk qui sera joué ds de nombreux théâtres ainsi qu’au cinéma naissant, Peretz Markish et ses poèmes, ce vivier d’idées soutenu par des bienfaiteurs, les conflits entre journaux de différentes obédiences, les crises du rédacteur en chef, les grands noms de la littérature yiddish qui apportent leurs contributions éclairées, les agressions antisémites toujours en embuscade, les élections pour être représenté au Parlement polonais, jusqu’aux premiers bombardements sur Varsovie et tout est pulvérisé ! Toute une culture réduite en cendres. À la veille de l’invasion, il y avait plus de 650 journaux en yiddish, polonais, hébreu … une richesse incomparable, un foisonnement d’idées, des débats palpitants … comme nous sommes orphelins. J’ai hésité à faire ce résumé forcément réducteur, forcément incomplet… « Yatskan c’est Haynt – Haynt c’est Yatskan » je vous laisse lire le livre pour deviner le sens de cette phrase. Bravo Catherine Simbsler et Bernard Suchecki de nous offrir cette traduction d’un romancier plein d’humour et trop méconnu : Kuczker. Un livre qu’on regrette d’avoir terminé… » SBZ (1)

  1. Texte publié sur la page FB « Yiddish pour tous », créée par Charles Goldszlagier – près de 20.000 membres avec le site du même nom  et dont la devise est  LOMIR ALE ZIKH VAYLN UN ZIKH LERNEN TSUZAMEN!” : Amusons-nous et instruisons-nous ensemble !

 

BER KUCZER

Pour en savoir un peu plus sur l’auteur, Ber Kuczer, voici la présentation signée par les traducteurs de « Gens de Varsovie », Bernard Suchecki et Katia Fater-Simbsler :

 

Qui est Ber Kuczer, l’auteur de « Gens de Varsovie » ?

« Le nom de Ber Kuczer[1] ne dit plus grand-chose aujourd’hui, même s’il arrive occasionnellement qu’un érudit loue encore son « écriture empreinte de fraîcheur et non dénuée d’élégance »[2].

Ber Kuczer fut pourtant l’une des plumes les plus appréciées du Haynt* (Aujourd’hui), le grand quotidien yiddish varsovien de l’entre-deux-guerres. En 1978, trente-neuf ans après la fermeture du journal, son ancien patron évoquait Ber Kuczer dans les termes suivants :

« En 1911, Dov-Ber Kuczer a commencé à publier des blagues et des poèmes humoristiques dans Haynt. En 1916, il est devenu membre permanent du comité de rédaction, au sein duquel il a rempli diverses fonctions. Cependant, il a toujours cherché à atteindre une position qui lui permettrait d’utiliser ses talents d’humoriste.

Kuczer a créé son propre genre, le mini-reportage sur la vie juive à Varsovie sous forme de dialogues. Ses héros étaient des personnages simples, des gens de tous les jours, malmenés, meurtris par la vie, par le monde sans pitié qui était le leur. Il écrivait comme ils parlaient : la langue maternelle du petit peuple [juif] de Varsovie. Il trouvait les matériaux pour ses saynètes au siège du rabbinat parmi les gens qui y venaient pour un jugement rabbinique, au centre administratif de la communauté juive parmi les pauvres qui y affluaient pour quémander quelques secours ou encore dans les rues, sur les marchés, parmi les marchands, les camelots et les bourgeoises en quête de bonnes affaires. […] Kuczer savait évoquer en quelques phrases bien choisies l’univers étrange de la misère juive. Ses reportages étaient empreints d’un mélange d’humour, de tristesse et de compassion pour ses héros. Les circonstances qu’il décrivait étaient sans espoir, ses personnages des petites gens, des pauvres, mal à l’aise, perdus dans le chaos de la grande ville »[3].

­Tout au long de sa carrière, Ber Kuczer a privilégié une forme littéraire se situant entre le billet et la courte nouvelle. Il a néanmoins écrit des feuilletons humoristiques ou des « romans à sensation » qui s’étiraient sur plusieurs mois dans les pages du Haynt, des sketches pour des théâtres de poche ou des spectacles de cabaret comme ceux du célébrissime duo d’humoristes Dzigan et Szumacher, ainsi qu’une comédie musicale, Di tsiganerin (La Gitane), montée à Varsovie en 1934. Il a également été le rédacteur en chef de plusieurs feuilles satiriques éphémères comme Di vize (Le visa), Der griner (Le « bleu »), Der shoyfer* (Le shofar). Il est enfin l’auteur de trois livres : Zishe Braytbard (Varsovie, 1925) consacré au très populaire colosse juif qui pliait des barres d’acier et tractait des trains avec ses dents ; Geven amol varshe (Il était autrefois Varsovie, Paris, 1955) qui fait l’objet de la présente traduction ; Di karuzele (Le carrousel, Paris, 1970).

Le 1er septembre 1939, la Pologne est envahie à l’ouest par l’Allemagne et quinze jours plus tard à l’est par l’Union soviétique. Haynt paraît pour la dernière fois le 22 septembre. Neuf jours plus tard les troupes allemandes entrent dans Varsovie. Ber Kuczer décide alors de se réfugier dans la zone d’occupation soviétique. Il s’y rend seul, estimant comme tant d’autres que les Allemands ne s’en prendraient ni aux femmes ni aux enfants. Il est assez rapidement déporté au fin fond de l’Union soviétique. Quand il regagne Varsovie en 1946, il découvre qu’aucun membre de sa famille n’a survécu. Deux ans plus tard, il va s’établir à Paris. En 1976, il émigre en Israël. Il y décède en 1978. »

Bernard Suchecki et Katia Fater-Simbsler

 

Note

[1] De son vrai nom Dov-Ber Kuczerer. Né à Siemiatycze, est de Varsovie, en 1893 – décédé à Tel Aviv en 1978.

[2] Le Professeur Yitskhok Niborski aux traducteurs, le 27/07/2014.

[3] Khayim Finkelshtayn, secrétaire du comité de rédaction du Haynt de 1932 à la fermeture du journal le 22 septembre 1939. Haynt. A tsaytung bay yidn [Haynt, un journal parmi les juifs] 1908-1935, Tel Aviv, I. L. Peretz Publishing House, 1978, pp. 219-220.

 

Autres commentaires du livre

Gens de varsovie – Berl Kuczer – Librairie Eyrolles

Gens de Varsovie – CCLJ

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